La révision de la loi sur l’aménagement et l’urbanisme (PL-16), va-t-elle répondre aux défis d’aujourd’hui?

Le PL-16, qu’en est-il en matière d’habitation abordable durable?

Cette semaine se terminait les consultations sur la révision de la loi sur l’aménagement et l’urbanisme qui a suscité beaucoup d’intérêt. C’est par cette loi que le gouvernement du Québec peut donner (ou pas) le ton à l’aménagement (et la protection du territoire), la densification, les règles dictant certains pouvoirs des municipalités, etc

J’ai eu le plaisir de collaborer au mémoire déposé par l’Alliance des corporations d’habitations à but non lucratif du territoire du grand Montréal (ACHAT) qui mettait l’emphase sur les éléments du projet de loi qui pourraient toucher l’habitation abordable. Malheureusement le mémoire n’a pas été rendu public et l’ACHAT n’a pas été invité à le partager devant les membres de la commission, mais on nous a assuré que les membres l’avait bien reçu.

En m’intéressant à la démarche de la Commission de l’Assemble nationale qui étudie ce projet de loi, quelques autres aspects ont également attiré mon attention.

D’abord du côté de l’Union des municipalité du Québec (UMQ), on a fait valoir la crainte d’une jurisprudence en faveur de promoteurs qui prend un certain essor présentement, en particulier dans le domaine de l’environnement, mais également dans le domaine de l’urbanisme par différentes contestations de modifications réglementaires municipales. La demande l’UMQ pour limiter cette jurisprudence qui a été favorable aux promoteurs privé contre l’intérêt public, est de réviser la loi permettant de clarifier les pouvoirs des municipalités.

La spéculation sur les milieux naturels ne devrait pas prévaloir sur l’intérêt collectif qui commande leur protection. Un propriétaire d’un milieu naturel qui a l’intention de le développer doit le faire conformément à la règlementation d’urbanisme de la municipalité. S’il s’agit d’un milieu humide et hydrique, elle prendra également en compte le système de compensation mis en place par le gouvernement du Québec.

La décision de développer le milieu naturel est alors une décision relevant du propriétaire. Or, la règlementation de la municipalité et le cadre juridique fixé par le gouvernement ne sont pas figés dans le temps. Ceux-ci ne peuvent pas et ne doivent pas être les garants d’un investissement qui comporte des risques. Le propriétaire d’un milieu naturel ne devrait pas tenir pour acquis qu’il pourra éternellement développer le milieu naturel.Or, la jurisprudence récente limite fortement la possibilité pour les municipalités de mettre en œuvre cette vision d’aménagement pourtant nécessaire au bien-être de la collectivité et conforme aux orientations du gouvernement du Québec.

Un conseil municipal démocratiquement élu ne peut plus, dans les faits, adopter un règlement de zonage conforme à l’habilitation prévue à l’article 113 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme qui a pour effet de modifier le zonage d’un milieu naturel afin de le protéger par exemple pour la mise en œuvre des plans qui lui sont imposés par la Loi sans courir le risque d’être accusé de procéder à une expropriation déguisée.

Tiré du mémoire de l’UMQ, « Cadre législatif d’aménagement », avril 2023

Du côté de Vivre en Ville qui ont suivi depuis le début toute la démarche préliminaire à ces consultations, la proposition du PL-16 est en train d’accoucher d’une souris et Vivre en Ville demande au gouvernement d’avoir beaucoup plus de courage pour répondre aux défis d’aujourd’hui et de demain.

Le projet de loi 16 n’est pas celui d’un gouvernement qui a pris la mesure de l’urgence climatique, ni de la crise de la biodiversité. Ce n’est pas celui d’un gouvernement déterminé à s’attaquer à la pénurie en habitation. Ce n’est pas celui d’un gouvernement conscient des coûts, publics et privés, associés aux choix d’organisation territoriale.

Bref, ce n’est pas un projet de loi transformateur.

Tiré du mémoire de Vivre en Ville, « Changement de pratiques, changement de culture » avril 2023

Pour revenir au mémoire déposé par l’ACHAT, qui regroupe des entreprises collectives en immobilier détenant plus de 4500 unités, il était important de faire valoir l’opportunité par ce changement législatif à mettre de l’avant des solutions durables en matière d’abordabilité en habitation.

C’est pourquoi l’Alliance, propose que le gouvernement du Québec par cette nouvelle mouture législative en matière d’aménagement urbain, favorise l’émergence et le développement des entreprises collectives en habitation, puisqu’elles peuvent garantir une abordabilité à long terme et ainsi pourraient nous prémunir de crises de l’abordabilité dans le futur. L’objectif proposé par l’ACHAT est qu’on se donne comme société un objectif d’atteindre 20% des logements locatifs à l’abri de la spéculation immobilière et donc détenus par des entreprises sans but lucratif (OBNL coop, offices d’habitation).

Richard Ryan

21 avril 2023

Pour avoir accès au mémoire de l’ACHAT:

Rapport d’étape du Chantier Montréal abordable sur le logement

Chantier Montréal abordable un premier rapport qui pose des jalons sur des actions à venir? Une histoire à suivre…

Le Chantier Montréal abordable publiait aujourd’hui un rapport d’étape de leurs travaux qui met la table pour une réflexion sur les cibles et les actions à entreprendre afin de répondre aux besoins criants en logement abordable.

Plusieurs pouvaient craindre des résultats d’un tel chantier, avec des acteurs aussi diversifiés qui ont été réunis pour s’entendre à la fois sur un diagnostic et des actions à entreprendre. Le scepticisme à ce type de démarche est souvent lié aux expériences passées du genre qui nous a plus souvent offert un nivelage par le bas (ou l’accouchement d’une souris) qu’à une réelle révolution nécessaire que commande une telle crise comme celle que nous vivons actuellement. Bien que ce rapport d’étape en soit qu’une première qui nous dresse un constat des situations d’abordabilité des ménages montréalais, les prémisses de pistes d’actions restent intéressantes. Nous devrons attendre (tel est la promesse dans ce rapport) les réelles actions et cibles en matière de logement abordable. 

Il fallait quand même s’entendre sur un constat et une façon de le présenter, puisque le Chantier, réunit à la même table des acteurs du privé tels que l’Institut de développement urbain (IDU), les groupes promoteurs Prével et Broccolini, des acteurs du secteur de l’économie sociale en habitation tels que Bâtir son Quartier, la SDA, SOLIDES et UTILE, du milieu financier tels que New market funds, la Caisse d’économie solidaire Desjardins, le fonds immobilier de solidarité de la FTQ et la Ville de montréal initiatrice de cette démarche, représentée par son responsable à l’habitation Benoît Dorais, ainsi que la SHDM dont le mandat sera questionné et revu au cours du chantier.

Le premier fait qui attire l’attention dans ce rapport, c’est la division des ménages montréalais  selon leurs revenus par quintile. C’est bien connu le logement est devenu inabordable à Montréal et un peu partout au Québec, dû en partie à un manque d’offre, mais surtout dû à de la surenchère spéculative, mais la spécification par groupe de revenus, rend la réalité encore plus éloquente.

Dans le marché privé, on peut retrouver des logements abordables, mais ce sont pour la plupart des logements occupés (surtout depuis plusieurs années et tenus par de plus vieux propriétaires), mais pour un nouveau ménage arrivant dans la région ou celui qui s’est fait évincer à la recherche d’un nouveau logement, le prix du marché est inabordable pour 60% des ménages (nous y reviendrons).

Le Chantier nous informe de manière plus précise que seuls les deux quintiles les plus haut, peuvent réellement se payer un loyer du marché sans dépasser la barre des 30% de leurs revenus consacré aux dépenses au logement. Ce qui veut dire que les ménages de 3 quintiles sur 5 se retrouvent ou se retrouveront s’ils doivent déménager dans une situation d’inabordabilité. Que ce soit une construction neuve ou un logement déjà construit devenu vacant, 60% des ménages montréalais n’y auront pas accès, sans devoir couper dans le budget d’autres besoins (épicerie, transport, médicament, loisir des enfants, etc).

Sans rentrer dans le détails des actions à prendre qui viendront avec la poursuite de leurs travaux, le Chantier Montréal abordable, oriente néanmoins dans ce rapport quelques pistes tout en visant les acteurs qui devraient s’impliquer. Tantôt la Ville de Montréal, tantôt le gouvernement du Québec, tantôt les autres acteurs de l’habitation…

En nommant qu’il nous faut donner une attention particulière au premier quintile (les 20% des ménages avec les revenus les plus bas), la solution pour cette partie de la population qui est encore plus éloignée que les autres quintiles de la possibilité d’obtenir une abordabilité en habitation, est assurément dans l’investissement en logement social subventionné.

Les représentants du marché privé prôneront sûrement l’idée de donner davantage de subventions individuelles à ces ménages pour payer une partie d’un logement du marché privé. Certes cela peut être une solution à court terme, mais ne garantie pas une abordabilité à long terme et le ménage en question, pris avec une telle entente avec un propriétaire privé, se voit encore dans une situation de vulnérabilité puisqu’il est dépendant d’un propriétaire qui peut mettre fin à l’entente à n’importe quel moment.

Il semble y avoir également un consensus autour de la table qu’il faudrait que les autorités publiques investissent et agissent davantage également pour les ménages du 2e et du 3e quintile. Le premier tableau indique réellement que le privé ne pourra fournir à lui seul, des logements abordables pour ces tranches. C’est -à -dire pour les ménages avec enfants gagnant jusqu’à 118 000$ (ou 98 000$ pour un couple sans enfant). Pour ces 3/5e des ménages montréalais, en tombant dans une situation de recherche d’un toit, ils ne pourront vraisemblablement obtenir une habitation respectant les règles de l’abordabilité telles que définies par la SCHL (les besoins impérieux).

La réponse à une habitation abordable pour les ménages du premier quintile, nous indique encore une fois qu’il nous faudra investir beaucoup dans le logement communautaire ou public. Pour ce qui est du 2e et du 3e quintile, le réseau de l’habitation sans but lucratif (OBNL-coop) avec l’aide d’investissements publics, d’allègements fiscaux, réglementaires ou en utilisant leurs marges d’équité pour de nouvelles acquisitions (ou plusieurs de ces pistes jumelées), devront faire partie des solutions beaucoup plus généralisées qu’elles le sont aujourd’hui.

Le privé pourrait aussi bénéficier d’aide gouvernementale ou autres allègements, qui pourraient rendre le prix sortant de leur produit plus abordable du moins pour le 3e quintile. Ces solutions ne seraient sûrement pas pérennes dans le temps, puisque dès la première vente d’une telle propriété, elle prendra vite le chemin du prix du marché et s’adressera aux plus nantis des ménages (soit dans un contexte actuel, les ménages du 4e et 5e quintile). 

Il faut reconnaître que d’arriver à ces premiers constats avec cette panoplie d’acteurs, il y a eu un grand bout de chemin de fait. Il restera maintenant de savoir si on s’entend sur les actions à prioriser. Mais si tel est le cas, un grand joueur manque toujours à l’appel et le dernier budget était assez éloquent à cet égard… Où est donc le gouvernement québécois dans cet écosystème?

Richard Ryan

Consultant en habitation

12 avril 2023

Pour avoir accès au rapport d’étape du Chantier Montréal abordable:

Mémoire présenté à la Commission sur l’habitation de la Ville de Sherbrooke

Est-ce qu’une ville comme Sherbrooke qui souhaite investir et intervenir en habitation ne devrait-elle pas prioriser l’habitation communautaire, pour avoir une abordabilité de manière pérenne?

04-04-2023

Aujourd’hui je présentais un mémoire à la Commission ad hoc sur l’habitation de la Ville de Sherbrooke.

Je salue cette démarche de la Ville, car elle peut lui permettre d’aller fond du sujet, d’écouter les propositions et de prendre de bonnes décisions et orientations dans le but de contribuer à solutionner la crise (les crises) de l’habitation.

Le mémoire est en parti tiré du mandat reçu récemment par la Caisse d’économie solidaire Desjardins qui consistait à monter une recensions (non exhaustive) des outils municipaux pour soutenir le développement de logements communautaires. Document que l’on peut retrouver dans la section « mandats actuels et passés ».

Richard Ryan

Consultant en habitation

richardryan.ca

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