Analyse des propositions en logement abordable des partis municipaux de Montréal

(voir tableau comparatif ci bas)

Suite, au débat électoral sur l’habitation à Montréal le 8 octobre, organisé par la Fédération des OSBL d’habitation de Montréal (FOHM), il est apparu que les positions des partis sur l’habitation abordable sans but lucratif, sont méconnues, même chez les initiés qui étaient présents.  Pas simple de clarifier des positions sur un thème aussi vaste et complexe. Surtout quand il s’agit de logement abordable, il est facile de s’y perdre.

Comme consultant en logement abordable, il m’apparaissait important de tenter de clarifier et comparer certaines de leurs positions entre elles.

Le 2 novembre, les électeurs éliront maires et conseillers municipaux partout au Québec. La crise du logement, qui impacte le bien-être des ménages et coûte cher à la société, est désormais un enjeu central à Montréal comme ailleurs.

Au cours des huit dernières années, Montréal a été dirigée par Projet Montréal, avec Valérie Plante, qui a annoncé son retrait. Dès 2017, l’habitation, et en particulier le logement social et abordable, a été placée au centre par la nouvelle administration de Projet Montréal. Avant cela, des projets partiels d’inclusion et non obligatoires apparaissaient avec une stratégie d’implanter par sous la mairie de Gérald Tremblay, ce n’est qu’avec le premier mandat de Valérie Plante, avec l’audace d’utiliser de nouveaux pouvoirs, que cette stratégie d’inclusion est devenue obligatoire avec le Règlement pour une Métropole Mixte (RMM, « 20-20-20 »). Les résultats de construction sociale ont été limités, compensés par des contributions au fonds de logement social.

L’empreinte de l’administration Plante se distingue surtout par une politique foncière ambitieuse : alors qu’Ensemble Montréal consacrait 1 M$ par an de son budget d’investissement1 à l’acquisition de terrains pour le développement de logements sociaux, Projet Montréal a investi près de 567 M$ sur dix ans, soit plus de 56 M$ par an2. Ce budget, combiné aux contributions des promoteurs répondant au RMM, a permis l’acquisition d’immeubles et de terrains pour protéger le logement social et abordable de la spéculation. Le droit de préemption a été un instrument crucial pour Montréal, lui permettant d’acquérir plusieurs dizaines de propriétés, dont un parc immobilier de 717 logements à Côte-des-Neiges pour 103,8 M$, protégeant ainsi de nombreux locataires vulnérables.

D’autres mesures incluent la création d’un Service de l’habitation, l’augmentation des ressources pour lutter contre l’insalubrité et soutenir le logement social et abordable, ainsi qu’une politique de cession de terrains aux OSBL et coopératives avec carte interactive.

Le Chantier Montréal abordable3, qui rassemble des acteurs communautaires, privés et institutionnels, vise à atteindre 20 % d’unités hors marché privé d’ici 2050, cible que l’administration sortante de Projet Montréal a faite sienne.

La question reste : la prochaine administration municipale prolongera-t-elle cette approche, l’adaptera-t-elle, ou choisira-t-elle une autre voie ? Utilisera-t-elle de nouveaux pouvoirs en matière d’habitation pour favoriser le logement social et abordable sans but lucratif ?

Les chefs actuels : contexte et parcours

Gilbert Thibodeau – Action Montréal
Homme d’affaires bien connu du Plateau-Mont-Royal, Thibodeau a été actif au conseil d’arrondissement (2009-2013) et candidat perdant sous la bannière d’Ensemble Montréal de Denis Coderre à la mairie du Plateau contre Luc Ferrandez, en 2013, en 2017, il se présente à la mairie de la ville comme candidat indépendant et n’obtient que 0,35 %. En 2021, il reprend sa course pour la mairie de Montréal après avoir fondé le parti Action Montréal et n’obtient qu’un maigre 1,03 %. C’est toujours sous les couleurs d’Action Montréal qu’il se représente cette année à la mairie.

Soraya Martinez Ferrada – Ensemble Montréal4
Ancienne députée fédérale et ministre du Tourisme (2023) sous Justin Trudeau, elle annonce en février dernier son retrait du fédéral alors que le gouvernement Trudeau est à son plus bas dans les sondages, pour prendre la tête du parti de l’opposition à l’Hôtel de Ville, Ensemble Montréal. Elle a brièvement été conseillère municipale dans le district Saint-Michel (2005-2009) élue sous la bannière du parti de Gérald Tremblay, ancêtre d’Ensemble Montréal. Son retour sur la scène montréalaise a suscité des critiques liées à son lieu de résidence, qui était au moment de devenir cheffe du parti, à l’extérieur de Montréal5. Des questions relatives à son CV ont rebondi à la surface, puisque, durant 18 mois jusqu’à sa démission du gouvernement fédéral, une fausse mention d’obtention d’une maîtrise s’est trouvée sur la page de son profil du site du premier ministre. Mme Martinez Ferrada a dû également s’expliquer sur une situation qui, comme propriétaire, a demandé un dépôt illégal de sécurité de 2850$ à ses locataires.6

Luc Rabouin – Projet Montréal7
Rabouin n’est entré en politique qu’en 2019, lors d’une élection partielle à la mairie du Plateau-Mont-Royal en remplacement de Luc Ferrandez, démissionnaire. Avant la politique active, Rabouin a occupé différents postes dans l’économie sociale, la transition écologique et le développement économique locale, incluant la direction du Centre d’écologie urbaine de Montréal de 2006 à 2012 et par la suite de Communauto-France. Au retour de Paris, il devient directeur général de la Corporation de développement économique et communautaire du Plateau Mont-Royal et Centre-Sud, puis fait partie de la direction de la nouvelle structure en développement économique de PME-Mtl. Il prendra par la suite la direction du développement de la Caisse d’économie solidaire Desjardins jusqu’en 2019. Aussitôt élu, la mairesse Plante le nomme responsable du développement économique de Montréal au Comité exécutif, puis pendant 13 mois comme président du Comité exécutif, jusqu’à son annonce, en décembre 2024, de son lancement dans la course au leadership de Projet Montréal. Il devient chef en mars dernier dans une course à 5 candidats et candidates.8

Craig Sauvé – Transition Montréal
Impliqué dès 2005 avec Projet Montréal et sur la scène fédérale avec le NPD, Sauvé a été conseiller municipal à Saint-Henri/Petite-Bourgogne/Pointe Saint-Charles depuis 2013. Après avoir fait l’objet d’allégations d’agressions sexuelles à la fin de la campagne électorale de 2021, il a siégé comme député indépendant. Après des discussions infructueuses avec Projet Montréal jusqu’en juillet dernier, sur sa réintégration au caucus, il prendra la tête de Transition Montréal en juillet 2025, parti jusqu’alors sans chef ni programme.

  Tableau comparatif des positions en logement abordable

De manière générale, bien qu’il y ait des différences pour certains partis sur la manière et la précision de réaliser leurs propositions, toutes les formations reconnaissent qu’il y a bel et bien une crise du logement. 
Règlement pour une Métropole Mixte (RMM)Règlement implanté dans le premier mandat de Valérie Plante (2017-2021), dans le but d’obliger l’inclusion en logement social et abordable dans les projets immobiliers des promoteurs privés. Pour la réalisation d’unités in situ, le financement de Québec était sine qua non. La fin du programme AccèsLogis, dont Montréal avait une autonomie, a mis beaucoup d’embûches à la construction sur les projets d’unités en logement social. La Ville a dû assouplir cette orientation vers des contributions financières des promoteurs pour répondre au RMM.
Action MontréalRien à ce sujet
Ensemble MontréalL’abolition du règlement
Projet MontréalLa révision du règlement pour le simplifier
Transition MontréalRien à ce sujet
CommentaireDans le contexte actuel de nouveaux pouvoirs de zonage (différencié, incitatif et le super pouvoir du PL31), il peut y avoir d’autres options de demander aux promoteurs d’inclure du logement social et abordable, mais cette voie unique pourrait être compliqué à étendre à l’échelle de la Ville, alors que ce sont les arrondissements qui sont maître d’œuvre en matière d’émission de permis. Un mélange des deux pourrait être une voie de passage si on compte faire contribuer les promoteurs privés au développement de logement social et abordable (sans but lucratif).
Réserve foncière de la Ville pour le développement du logement social et abordable (LSA)Dans l’accompagnement que je fais aux villes, le contrôle du foncier est le premier axe que j’aborde. Quand il y a une volonté réelle de soutenir les organisations sans but lucratif, c’est souvent la première pierre qu’il faut poser. Mais il peut y avoir différentes stratégies pour y arriver.    La ville a mis en place sa politique de cession de terrains aux organismes avec carte interactive9, avec le temps cela pourrait devenir un excellent outil de développement si de nombreuses nouvelles propriétés de la Ville s’y ajoutent  
Action MontréalLe parti n’a rien sur la stratégie d’acquisition de terrains, mais stipule, néanmoins, qu’il mettrait en place des conditions avantageuses pour la cession de terrains aux organismes.
Ensemble MontréalEnsemble Montréal mettra le foncier appartenant à la Ville au service du développement du logement abordable, avec des baux en emphytéose sur 70 ans. Il mettrait les terrains à la disposition des partenariats privé-communautaire pour ne pas avoir à attendre après les programmes de Québec. Rien sur la suite de l’obtention de nouveaux terrains, sinon une allusion à la valorisation du foncier. On peut penser à l’utilisation du nouveau pouvoir de zonage incitatif aux promoteurs pour intégrer du logement abordable. La notion de logement abordable semble large lorsque mentionnée, incluant sans doute la notion de logements issus des projets privés dont l’abordabilité n’est pas protégée. L’allusion au logement sans but lucratif est mentionnée, dans un élément d’engagement de cession de terrains par emphytéose de 70 ans.
Projet MontréalLuc Rabouin est dans cette continuité d’accélération du contrôle du foncier par des acquisitions de gré à gré ou par l’utilisation du droit de préemption. En budget d’acquisition pour du LSA, l’administration de Projet Montréal met 56 fois plus que l’administration précédente d’Ensemble Montréal de Denis Coderre.  
Transition MontréalTransition Montréal, n’a rien sur le développement d’une stratégie d’acquisition de foncier pour le développement de logement social et abordable. Sinon, sur la façon de le développer en utilisant les terrains existants et en créant « Bâtir Montréal », une nouvelle société paramunicipale pour construire. Il n’est pas expliqué en quoi cette nouvelle paramunicipale serait différente de la Société d’habitation et de développement de Montréal (SHDM) ni les sommes qui y seraient versées.
CommentaireLe fait d’avoir une réserve foncière dédiée au développement de logements sociaux et abordables pour les villes est le meilleur outil pour contrer la spéculation des terrains, et cela, même si tous les autres éléments ne sont pas réunis pour les développer à court terme.
Soutien aux organismes dans le développement du logement social et abordable 
Action MontréalAction Montréal ferait la promotion des bons coups comme UTILE et autres, pour plus d’impact. Accélérerait la délivrance de permis (pas spécifié si c’est pour tous les promoteurs ou pour les organisations sans but lucratif en priorité).
Ensemble MontréalRéduction de la délivrance de permis à 90 jours (pas spécifié si c’est pour tous les promoteurs ou une priorisation des organisations sans but lucratif). Exemption de frais pour les organismes sans but lucratif, comme l’occupation du domaine public, c’est déjà le cas dans certains arrondissements de Projet Montréal, mais non généralisé encore.
Projet Montréal1— Création d’un Fonds de 500 M$ « Bâtissons Montréal », à partir d’émission d’obligation municipale. Cette innovation existe déjà ailleurs. Ce fonds viendrait soutenir les organismes dans le développement de LSA. 2- Création d’un fonds municipal de 100M$ pour garantir 10% des prêts des organismes pour un investissement total de 1 milliard $ (c’est souvent le dernier 10% d’un montage financier d’un projet qui est difficile à trouver). Ces deux dernières propositions ne coûteraient rien aux coffres de la Ville. Continuation du fonds de soutien aux organismes pour un changement d’échelle. Soutenir le développement de logements sans but lucratif étudiant pour libérer les logements familiaux du marché privé.
Transition MontréalLa nouvelle entité paramunicipale “Bâtir Montréal” serait en partenariat avec les OBNL et les Coops. Ce que fait déjà la SHDM, mais le fait-elle assez?
CommentaireDans l’écosystème du logement social et abordable sans but lucratif, il est souvent question de changement d’échelle, et l’atteinte d’une cible de 20 % des logements à l’abri de la spéculation fait son chemin un peu partout dans le monde municipal. Montréal a mis en place des éléments importants pour y arriver. Mais, est-ce assez? Sûrement pas! Mais l’idée d’émission d’obligations municipales pour du LSA est très intéressante, rien ne garantit que l’objectif de Luc Rabouin d’atteindre 500M$ en contribution dans ce fonds, mais la crise appelle à de l’innovation et cette proposition a tout de l’audace et est une nouveauté pour le Québec. Le secteur du logement sans but lucratif souhaite sûrement d’autres idées de la sorte.
Réglementation pour soutenir le développement du logement social et abordableConcernant les nouveaux pouvoirs en réglementation, on fait souvent référence au “superpouvoir” du PL31, du zonage incitatif et du zonage différencié. Utilisés dans une analyse différenciée pour favoriser le logement sans but lucratif, ces nouveaux outils deviennent une voie intéressante aux yeux de plusieurs. Quelques arrondissements de Projet Montréal ont déjà utilisé le “superpouvoir” du PL 31 pour des projets d’OBNL. Seul l’arrondissement Ville-Marie (la première instance municipale au Québec) a instauré un règlement de zonage différencié donnant l’avantage de plein droit aux promoteurs sans but lucratif sur les promoteurs privés de pouvoir construire une plus grande densification. L’arrondissement du Plateau Mont-Royal (et possiblement d’autres) l’a aussi dans sa mire présentement. Cette densification possible permet aux OBNL ou coops d’acquérir des terrains au moindre coût que les promoteurs privés et engendre une baisse de coût de construction. Alors que des règlements de zonages incitatifs visent surtout des promoteurs privés qui peuvent avoir un “bonus zoning” s’ils intègrent des compensations comme de l’inclusion du logement social et abordable dans leur projet, mais ça pourrait être d’autres formes de compensation selon le règlement cadre voté en conseil.
Action MontréalPour Action Montréal, rien en particulier n’est indiqué.
Ensemble MontréalEnsemble Montréal utiliserait les nouveaux pouvoirs de zonage incitatif et de zonage différencié.
Projet MontréalC’est déjà commencé dans quelques arrondissements de Projet Montréal. Est-ce que cela serait généralisé? Ce n’est pas spécifié. 
Transition MontréalTransition Montréal ne parle pas de ces nouveaux outils, mais on peut penser que, dans la proposition de 30% de logements sociaux dans les développements autour de transports collectifs, que ce serait par le biais d’un règlement de zonage incitatif qu’il le ferait (mais rien n’est spécifié).
CommentaireNous sommes aux balbutiements de ces nouveaux outils municipaux offerts par les nouvelles législations provinciales. Et il y en a quelques autres aussi. Pas étonnant qu’il en est peu question pour les plus petites formations politiques. L’orientation municipale pour l’utilisation de ces outils est importante à examiner. Le PL-31 et le zonage incitatif pourraient être utilisés pour favoriser du « bonus zoning » sans contrepartie pour du logement sans but lucratif. Tout comme à l’inverse, ces nouveaux leviers pourraient être utilisés en priorité pour ce développement.
Concertation de partenaires et des services de la villeLa concertation entre les différentes parties est importante en matière de développement en logement abordable, bien qu’il y ait une équipe forte dans le nouveau Service de l’habitation de la Ville implantée par l’administration sortante. Le Chantier Montréal Abordable, réunissant acteurs du privé, du communautaire, institutionnel et de la Ville, a permis d’Avoir une vision claire sur le logement social et abordable sans but lucratif et une cible commune d’atteindre 20% d’ici 2050 en logements hors marché privé à l’abri de la spéculation.
Action MontréalPour Action Montréal, rien en particulier n’est indiqué.
Ensemble MontréalRéunir les acteurs clés dans les 100 premiers jours n’est pas spécifié. On ne sait pas comment ça serait différent de la structure partenariale existante de Chantier Montréal Abordable. Équipe spécialisée pour le développement de logement sans but lucratif (difficile de savoir en quoi ça serait différent de l’équipe du Service de l’habitation).
Projet MontréalPoursuite de “Montréal Chantier Abordable”. Ajout d’un guichet unique pour 10 zones à construire en accéléré
Transition MontréalPour Transition Montréal, création d’un “laboratoire moderne d’innovation en logement” avec un portail unique. Rien n’est spécifié sur ce qui serait différent de ce qui se fait avec “Montréal Chantier Abordable”, l’outil de politique de cession de terrains avec carte interactive existante, ou encore la page du service de l’habitation avec les éléments d’accompagnement des promoteurs sans but lucratif.  
CommentaireIl aurait été intéressant d’avoir les détails des formations politiques sur leurs positions concernant cet élément.
Itinérance position sur les campementsAvec la crise du logement, il y a eu une montée de l’itinérance et de l’instabilité résidentielle partout au Québec. Dans les activités de dénombrement, les évictions et les hausses des loyers font désormais partie des premières raisons évoquées à l’itinérance. Les premiers logements modulaires ont pris un certain temps avant d’apparaître, c’est sur le site de Namur Hippodrome que la première phase a été faite, la 2e et 3e phase verront le jour sous peu sur un site de la rue Louvain Ouest dans l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville, ainsi qu’à Outremont.  On a souvent évoqué ce modèle de construction modulaire comme une option aux abris temporaires, représentant une étape vers un logement plus stable.
Action Montréal“Il faut des logements, l’itinérance, ça coûte cher!” Le chef d’Action Montréal reste vague, s’il démantèle les campements actuels ou non en attendant les logements. Il semble contre qu’on investisse dans le modulaire. Mais propose de gigantesques tentes avec services. (À l’image de camps de réfugiés).
Ensemble MontréalLa cheffe d’Ensemble Montréal promet qu’il n’y aura plus de campement à la fin de son premier mandat. Elle promet de construire des logements transitoires, semble contre les logements modulaires. Elle en promet 2000. 
Projet MontréalLe chef de Projet Montréal promet aussi d’éradiquer l’itinérance en 5 ans (2030). Il souhaite augmenter la cadence du logement transitoire en créant 1000 logements de plus, soit 500 modulaires et 500 de transition (les deux avec services d’accompagnement). Il s’éloigne de la position actuelle de l’administration en maintenant des campements avec des services (toilettes notamment) en attendant que les logements modulaires et de transition deviennent disponibles. 
Transition MontréalIl n’y aurait pas de levées des campements et Transition Montréal ajouterait des services d’accompagnement et des toilettes.
CommentaireLa position des deux principaux partis d’éradiquer en quelques années les campements semble un peu irréaliste. Cette orientation ne pourra se faire sans l’arrivée d’alternative en attendant la création de logements sociaux pouvant répondre à la crise. Les unités modulaires et de transition sont un bon pas. Ça pris du temps à créer les premières unités modulaires, mais maintenant que le modèle est là et les entreprises pour les créer, espérons que ça pourrait s’accélérer. Contrairement à ce qu’a dit la cheffe d’Ensemble Montréal et d’Action Montréal, les unités modulaires n’ont rien de « roulotte » mais sont plutôt des unités complètes. Évidemment, il ne faudrait pas que cela devienne une solution à long terme pour ces personnes en manque d’une stabilité résidentielle.
Soutien aux organismes en itinéranceLa médiation sociale, le soutien psychologique, l’intervention en santé auprès des personnes itinérantes est un grand besoin qui devrait être dans la cour des responsabilités gouvernementales. Si le ministre Carmant a ajouté des sommes dans ce champ d’activité, Montréal a investi également dans cette sphère, même si ce n’est pas là sa première responsabilité. Dans les deux cas, on n’a pas assez investi pour enrayer l’augmentation rapide de l’itinérance et des différents enjeux qu’elle soulève. Consommation, cohabitation, salubrité, etc.
Action MontréalRien sur le soutien aux organismes.
Ensemble MontréalPropose un fonds d’appariement avec le milieu philanthropique afin de créer un fonds de 10M$. (On peut penser que ce fonds irait en partie en soutien aux organismes). Banque d’aide aux loyers, à l’image de ce qu’a fait la Maison du père.  Création d’un Groupe d’intervention tactique en itinérance (GITI) + Comptoir E=MC2 existant déjà dans Ville-Marie, est-ce que GITI n’est pas similaire à ce qui existe déjà avec EMMIS? EMMIS a d’ailleurs été élargi à d’autres arrondissements que ceux du centre.
Projet MontréalDoubler le soutien aux organismes en itinérance (passer à 20M$), pour un meilleur accompagnement.  Banque d’aide aux loyers, à l’image de ce qu’a fait la Maison du père. 
Transition MontréalLe chef de Transition Montréal promet un taux de taxation plus élevé pour les propriétés de 3,5 M$ et plus, afin que ces nouveaux revenus aillent pour le soutien aux organismes communautaires en itinérance. Le souhait est de tripler l’aide aux organismes, la proposition d’augmentation du taux de taxation, n’évalue pas le montant des nouvelles recettes.
CommentaireOn peut renchérir sur le soutien en ressources aux organismes intervenant en itinérance, mais la question de la responsabilité du gouvernement provincial demeure. Sans une collaboration forte des deux paliers, il serait illusoire de penser que tout cela va se régler. Mais ce message a été très médiatisé, pas seulement par la mairesse Plante, mais également par les différents maires et mairesses du Québec. Le maire Marchand a notamment piloté un événement à l’Union des municipalités du Québec à ce sujet.
Maison de chambresC’est bien connu, les maisons de chambres, qu’elles soient privées ou communautaires, sont souvent le dernier rempart à l’itinérance pour des populations vulnérables. Ou à l’inverse, le premier lieu pour s’en sortir. Au cours des décennies 2000-2010, il y a eu énormément de perte de maisons de chambre du secteur privé, transformées en logements inabordables. Des arrondissements centraux de Projet Montréal ont mis en place une réglementation d’urbanisme empêchant cette transformation. L’impact plus positif encore a été surtout les mises en droit de préemption d’une grande partie des maisons de chambres, dont certaines ont été acquises et cédées à la SHDM (le bras immobilier de la Ville).  De plus la Ville, qui avait en emphytéose des maisons de chambres géré par la SHDM, vient de mettre fin à ces ententes en leur cédant les propriétés, afin que l’organisme puisse se servir du levier entier de ces propriétés pour le développement.
Action MontréalDu côté de Gilbert Thibodeau et d’Action Montréal, il n’y a rien de spécifique sur les maisons de chambres.
Ensemble MontréalSoraya Martinez-Ferrada promet la création d’un fonds de 100M$ pour l’acquisition et la rénovation des ressources d’urgences. Mais rien n’est stipulé sur le sujet des maisons de chambres.
Projet MontréalLuc Rabouin et Projet Montréal promettent la continuité et l’accélération de l’achat de maisons de chambre. La plupart ont déjà été mises en droit de préemption. Luc Rabouin promet l’élargissement de règlements protégeant les maisons de chambre dans toute la ville.
Transition MontréalDu côté de Craig Sauvé et de Transition Montréal, aucune information spécifique n’est fournie au sujet des maisons de chambre.
CommentaireC’est pourtant curieux que les 3 partis, outre Projet Montréal, parlent peu ou pas des maisons de chambres, puisque, quand on parle de l’importance d’avoir un continuum en habitation pour tous et toutes, après les campements, les unités modulaires et autres lieux d’hébergement, les maisons de chambres sont souvent le maillon entre ces premiers lieux instables et le logement régulier. On parle beaucoup de préservation (via de la réglementation pour contrer les transformations ou les rachats par droit de préemption), il est à se demander si l’idée d’encourager davantage le développement ne pourrait pas renforcer ce maillon de la chaîne résidentielle.
Location touristique de type AirBnBEn bonus, même si ce n’est pas l’objet spécifique de ce tableau, étant donné mon intérêt historique et mon implication dans le dossier, voici ma réaction sur les positions sur les locations à court terme de type AirBnB. D’abord, spécifions que l’encadrement principal est au niveau provincial avec la loi sur l’hébergement touristique et que, depuis 2018, c’est Emploi-Québec qui a été mandaté pour faire respecter la loi, mais on sent bien que, depuis 7 ans, sans cellules spéciales d’enquête, EQ n’a pas en priorité le respect et l’émission de contravention pour le non-respect de la législation québécoise en hébergement touristique. La réglementation municipale et la législation provinciale se sont peaufinées afin de distinguer les résidences principales d’avec les résidences touristiques de type commercial. Plusieurs villes à travers le monde ont peaufiné leurs règlements en vue de mieux contrôler ce phénomène qui retire (surtout illégalement) des logements du marché de l’habitation. On a souvent évoqué dans le passé que cette activité retirait au moins 3000 logements de l’habitation montréalais. Il y a deux ans, voyant que Revenu Québec était peu actif dans les enquêtes et dans la lutte contre les infractions, Luc Rabouin (maire du Plateau avec deux autres arrondissements) a créé une unité spéciale. Avec les moyens municipaux limités au niveau judiciaire et d’enquêtes et des montants d’amendes en vertu des pouvoirs municipaux (ridiculement bas par rapport à la loi provinciale), il est difficile d’avoir un impact significatif, bien qu’il y ait eu quelques résultats. L’impact réel le plus important est certainement l’interdiction de location à court terme à l’extérieur de la saison estivale dans l’ensemble de la ville. Ce qui, aux yeux de la ville, évite les flous et permet mieux d’inspecter les illégaux. Mais au-delà des règlements et des lois, qui encadrent cette activité, c’est surtout le message des autorités qui a besoin d’être clair, étant donné la complexité du dossier.
Action MontréalRien du côté d’Action Montréal sur le sujet.
Ensemble MontréalSoraya Martinez et Ensemble Montréal, assoupliraient la réglementation, pour la permettre à l’année en limitant 90 jours de location par logement, en augmentant sensiblement le nombre d’inspecteurs.
Projet MontréalLuc Rabouin se dit fier de la nouvelle réglementation à l’échelle de la Ville (c’est un règlement central). Il continuerait avec la ligne dure avec la dernière réglementation implantée, en plus de vouloir poursuivre avec l’intervention de l’escouade spéciale.
Transition MontréalCraig Sauvé et Transition Montréal, interdirait à l’année la location court terme. Aucune allusion aux nombres d’inspecteurs dédiés pour surveiller cette activité.
CommentaireLe type de réglementation/législation avec un nombre de jours limités dans l’année, comme le propose Ensemble Montréal, a été testé sans grand succès ailleurs dans le monde, puisqu’il devient très difficile à contrôler et permet de continuer l’activité illégalement.  D’autant plus que ce type de règlement nécessite une entente avec toutes les plateformes possibles pour compiler le nombre de jours loués par logement.  Le simple fait d’avoir un discours d’assouplissement envoie également un signal (étant la complexification) que ce n’est plus illégal.

  1. p. 93 du PTI 2017-2019 https://ville.montreal.qc.ca/pls/portal/docs/page/service_fin_fr/media/documents/Budget_2017_version_complet_fr.pdf
    ↩︎
  2. Fiches 48009 et 13003 des pages 25-26 du dernier PDI voté, 2025-2034 https://mtl.ged.montreal.ca/constellio/?collection=mtlca&portal=REPDOCVDM#!displayDocument/00000098127 ↩︎
  3. https://portail-m4s.s3.montreal.ca/pdf/28422-chantiermontrealabordable-13_pages-vf-3-web.pdf ↩︎
  4. https://fr.wikipedia.org/wiki/Soraya_Martinez_Ferrada ↩︎
  5. https://www.lapresse.ca/actualites/elections-municipales/2025-10-03/candidature-de-soraya-martinez-ferrada/le-parti-ensemble-montreal-a-ignore-l-une-de-ses-propres-regles.php ↩︎
  6. https://www.journaldemontreal.com/2025/05/12/laspirante-mairesse-soraya-martinez-ferrada-a-exige-un-depot-illegal-a-ses-locataires ↩︎
  7. https://fr.wikipedia.org/wiki/Luc_Rabouin ↩︎
  8. https://www.linkedin.com/in/luc-rabouin-92349318/?originalSubdomain=ca ↩︎
  9.  https://montreal.ca/programmes/vente-des-immeubles-des-fins-dhabitation ↩︎

Crise du logement : le mythe du filtrage et l’ombre de la financiarisation

Réponse aux articles de La Presse de Maxime Bergeron du 7 juillet 2025, “ Ce gratte-ciel de 63 étages, aidera-t-il la crise du logement ? ” et à celui de Philippe Mercure du 1er juillet 2025 “ Construit-on des logements inutiles contre la crise? ”.

par Richard Ryan

L’auteur est consultant en logement abordable et a été conseiller municipal à Montréal de 2009 à 2021

Maxime Bergeron, dans son article du 7 juillet, fait œuvre utile en posant une question trop rarement soulevée dans le débat actuel : la théorie économiciste du filtrage (ou ruissellement), selon laquelle la construction de logements pour les plus fortunés finirait par répondre aux besoins des autres couches de la population, est-elle fondée ?

Cette théorie, issue de la loi de l’offre et de la demande, est souvent acceptée comme une vérité absolue. Sa remise en question, ou même son simple nuancement, est généralement mal accueillie. Pourtant, il est plus que temps de se demander si le type d’offre actuellement disponible – qu’il s’agisse de logements nouvellement construits ou de ceux qui se libèrent – répond réellement aux besoins des ménages aux prises avec la crise du logement.

Le concept du filtrage est mis de l’avant non seulement par des promoteurs comme M. Varadi, du projet Skyla (cité dans l’article de Bergeron), mais aussi par de nombreux économistes, notamment ceux de la SCHL et d’analystes comme Jean-Philippe Meloche, qui, selon l’article de Mercure, semble applaudir cette théorie sans réserve.

Elle soutient que, même si les logements neufs s’adressent aux ménages aisés, ceux-ci libéreraient des logements intermédiaires, accessibles à des ménages à revenus plus modestes, générant une chaîne de mobilité vers le bas. J’ai remis en question cette logique à quelques reprises ces derniers mois, et on me répond souvent que les crises du passé se sont résorbées grâce à une plus grande offre favorisant la mobilité résidentielle.

Mais ce qui mérite d’être interrogé aujourd’hui, ce n’est pas tant la mobilité résidentielle en soi et une plus grande offre générale, que le fait que les logements libérés sont, dans le contexte actuel, aussi inabordables que les logements neufs pour les ménages des autres couches de la population. De plus, l’offre du secteur privé en nouvelles constructions des décennies passées, couvrait un spectre plus large de besoins, bien que les ménages les plus vulnérables aient toujours été mal desservis – surtout lors des périodes de désengagement dans le financement du logement social.

L’augmentation moyenne des loyers dépasse largement celle des revenus. C’est une catastrophe, surtout quand on sait que les dépenses de logement ne devraient pas dépasser 30 % du revenu d’un ménage, selon la SCHL. À Montréal, les loyers ont grimpé en moyenne de 71% en 6 ans seulement (2019-2025), et cette statistique inclut tous les logements locatifs, qu’ils soient vacants, récemment loués ou habités de longue date.

On peut saluer l’initiative des dernières années de la SCHL, qui publie désormais la variation des loyers lors des changements de locataires. Cette donnée est cruciale, car elle reflète la réalité à laquelle font face les ménages contraints à déménager à cause d’une éviction, d’une reprise ou d’un changement de situation.  Dans le rapport de décembre dernier de la SCHL sur le logement locatif, la SCHL indique que, pour le Canada, les loyers des logements ayant changé de locataire ont augmenté au cours de l’année de 23,5 % contre seulement 5,7 % pour ceux restés occupés par le même ménage. À Montréal, c’est 18,7 % contre 4,7 %. Faut-il y voir un échec du Tribunal administratif du logement à remplir sa mission de protection des locataires et de contrôle des loyers ?

Il serait aussi pertinent d’examiner l’écart de prix entre les logements nouvellement construits et les logements vacants. Est-ce que cet écart ne serait pas en train de s’amenuiser, par rapport aux décennies passées ? La transformation du modèle économique de l’immobilier résidentiel mériterait également une analyse plus approfondie en lien avec le potentiel du succès ou d’échec du concept de filtrage. 

La crise actuelle est-elle vraiment comparable à celles du passé ? Avant de répéter sans cesse que le filtrage est la solution, ne faudrait-il pas identifier les causes réelles de la crise, qui semble aujourd’hui davantage structurelle que conjoncturelle ?

Autrefois, les promoteurs répondaient à un éventail plus large de besoins résidentiels. Bien que les plus pauvres aient été négligés, les classes moyennes trouvaient une certaine place. Était-ce parce que les promoteurs avaient un intérêt économique, nonobstant  les rendements à court terme offerts par d’autres types d’investissements ? Cette réalité a-t-elle changé ? Pourquoi ?

La réponse réside possiblement dans le nouveau modèle économique qu’est la financiarisation de l’immobilier. Où le développement est de plus en plus concentré entre les mains de grands promoteurs, alliés à des fonds d’investissement ou autres acteurs d’investissement cherchant un rendement rapide. Cela favorise la construction de logements plus luxueux ou de segments à forte rentabilité, comme le micro-logement, mais qui ne répondent pas aux besoins de la majorité des ménages.

Dans ce contexte, l’immobilier devient donc un simple produit de placement et de moins en moins un investissement sur du long terme, un peu comme les actions en bourse. Julia Posca et Guillaume Hébert de l’IRIS invités au micro de l’émission « À la Croisée des toits », sur CIBL, le 3 avril 2024, mentionnent qu’avant 2000, la financiarisation était quasi absente du secteur résidentiel. Aujourd’hui, elle représenterait 20% du marché locatif, un niveau assez élevé pour influencer les hausses de prix, tant à l’achat qu’à la location de tout le secteur de l’immobilier. 

Dans le secteur multi-résidentiel existant, la spéculation est aussi très présente, avec ou sans rénovations majeures. Les règles du TAL – Tribunal administratif du logement -, trop permissives, permettent des hausses de loyers ancrées sur les prix du marché. Résultat : de nouveaux investisseurs, motivés par la rentabilité rapide, acquièrent des immeubles, entraînant une instabilité résidentielle généralisée – autrefois réservée aux ménages les plus précaires.

Aujourd’hui, l’inquiétude du ménage locataire moyen est palpable. Que va-t-il advenir de son logement si le propriétaire vend ? La peur de perdre son toit ne touche plus seulement les plus vulnérables. C’est là que le mythe du filtrage s’effondre : les logements libérés deviennent inabordables dès qu’ils se libèrent. Le nouveau contexte réduirait donc considérablement la portée de cette théorie. Nous ne sommes plus dans une crise conjoncturelle : c’est une transformation structurelle de l’habitation que nous vivons.

Le projet Skyla de M. Varadi en est un symbole. Avec ses logements à 3740 $ par mois pour un 4½, il exclut 80 % des ménages. Même s’il s’agit d’un cas extrême, il reflète une tendance: celle d’un modèle de financement qui privilégie le rendement rapide, au détriment des besoins réels.

Dans le passé il a été abondamment question des obstacles à la construction : coûts de matériaux, taux d’intérêt, lenteur des permis, redevances… Mais, il serait peut-être temps de s’attaquer à l’éléphant dans la pièce : un secteur de l’habitation de plus en plus tourné vers la finance, qui délaisse sa fonction première, soit celui d’offrir un logement abordable, adéquat et stable pour toute la population.

10 juillet 2025

Richard Ryan

La crise du logement et le (re)nouveau gouvernement minoritaire

Regard très à chaud sur les résultats des élections d’hier, où le Québec à joué un rôle important dans le maintient d’un gouvernement libéral minoritaire au Canada. D’abord parce qu’il a donné une dizaine de députés de plus aux libéraux, alors que les sondages indiquaient que ce serait l’Ontario qui assurerait un gouvernement libéral (ils ont perdu 9 sièges dans cette province). Puis malgré la perte de 10 députés (32 à 22) chez les bloquistes au Québec, sans leur existence, plusieurs de ces circonscriptions seraient possiblement passées aux mains des conservateurs, sans compter que ces derniers auraient possiblement ravi quelques unes des luttes à trois d’hier gagnées par les libéraux, si le bloc n’avait pas été sur le bulletin de vote.

Mais là s’arrête la politico-fiction. Le NPD qui nous paraît anéanti ce matin avec seulement 7 sièges, détiendra néanmoins un certain pouvoir de négociation avec le gouvernement Carney, puisqu’il n’en faudra pas plus pour le nouveau gouvernement minoritaire pour se maintenir au pouvoir.

L’heure est aux solutions en habitation et pas n’importe quelles!

Tous et toutes espèrent un leadership fort du nouveau gouvernement libéral face aux politiques de Donald Trump, mais il est hasardeux de prédire comment tout cela va évoluer, non pas parce que nous avons élu un gouvernement minoritaire, mais bien parce que le chef au sud de la frontière est imprévisible.

Mais concernant le dossier du logement, il est possible d’améliorer nos outils pour être moins imprévisible. Le nouveau gouvernement, avec une prise de position plus claire du NPD et espérons-le aussi du Bloc Québécois, pourrait amener des pistes audacieuses et concrètes dans les solutions à la crise du logement et surtout à celle d’une abordabilité durable dans le temps.

Il nous faut investir et assouplir les programmes et les mesures nous venant du fédéral, afin qu’ils deviennent de vrais leviers pour le développement du logement sans but lucratif à l’abri de la spéculation immobilière. Bien que le gouvernement libéral ait investi ces dernières années, plusieurs acteurs qui développent l’habitation sociale et abordable remarquent qu’il est souvent complexe d’intégrer dans les montages financiers de projets, des programmes venant de la Société canadienne d’hypothèque et de logement (SCHL). Évidemment, à cause des champs de compétence qui obligent des ententes fédérales-provinciales longues à négocier, mais pas que…

Les balises et conditions d’abordabilité qui non seulement ne sont pas les mêmes que celles des programmes provinciaux émanant de la Société d’habitation du Québec (SHQ), mais sont en plus différentes entre elles au sein même de la SCHL. Prenons par exemple les conditions pour un projet pour se qualifier à des subventions venant du Fonds de logement abordable de la SCHL (FLA) et l’obtention de la garantie hypothécaire du programme APH-Select (qui peut être très avantageux, puisqu’il peut permettre une diminution du taux hypothécaire en plus de garantir jusqu’à 50 ans l’hypothèque). Ce type de programme devrait être encouragé, bonifié pour les acteurs sans but lucratif, et surtout assoupli pour ces derniers afin qu’ils puissent développer ce pan de l’habitation encore trop marginal au Canada.

Le premier ministre semble avoir adopté le discours ambiant (dont celui des conservateurs) qu’il nous faut construire, construire, construire… pour régler la crise du logement. Maintenant que les élections sont dernière nous, il faudra raffiner ce discours, construire quoi? construire pour qui? et surtout construire pour régler quelle crise? Celle d’aujourd’hui? Celles de demain?

Raffiner les mesures en priorisant le développement du logement à l’abri de la spéculation permet de travailler sur la crise de l’offre et celle de l’abordabilité dans le temps. Plus d’arrimage avec les programmes provinciaux, des mesures mieux dirigées vers le développement du secteur de logements sans but lucratif, et assouplir l’ensemble de ces mesures pour les acteurs qui tentent tant bien que mal de le développer.

Il serait aussi important de mieux protéger l’abordabilité toujours existante dans le marché privé, par l’encouragement d’acquisition de dizaines de milliers d’unités par des organisations sans but lucratif, qu’elles soient constituées en coopératives, en OBNL, en fiducie d’utilité sociale et ayant la vocation de maintenir dans le temps, l’abordabilité de leur parc immobilier.

La sortie d’immeubles du marché privé pour les mettre à l’abri de la spéculation n’ajoute sûrement pas de nouvelles unités à l’offre, mais assure qu’on augmente le parc de logements qui constituera l’abordabilité d’aujourd’hui et celle de demain. Le niveau de ressources nécessaires en subvention et autres pour sortir du marché des immeubles existants étant beaucoup moindre que la construction de nouvelles unités, devrait amener tout gouvernement qui veut réellement travailler sur des solutions à cette crise, à considérer cette avenue complémentaire aux solutions. Cette position ne devrait pas être considérée comme une voie de garage comme elle semble l’être aujourd’hui, mais bien d’un réel champ d’intervention qui détiendrait des leviers en programmes et en prêt à très long terme permettant aux acteurs sans but lucratif de bien jouer leur rôle.

Richard Ryan

Consultant en habitation abordable

29 avril 2025

Règlement de zonage différencié de l’arrondissement Ville-Marie: avis sur la proposition

Règlement de zonage différencié de l’arrondissement Ville-Marie: avis sur la proposition

Ce 26 mars a lieu une séance de consultation à l’arrondissement Ville-Marie sur la proposition d’implantation d’un règlement de zonage différencié. J’avais mis en ligne le sommaire décisionnel en lien avec ce dossier, suite à l’adoption de la première lecture au conseil d’arrondissement du 11 mars dernier.

Voici donc mon avis et mes quelques propositions de modification.

Il est à souligner à grand trait que l’arrondissement innove en implantant un tel règlement. Cet arrondissement est la première instance municipale au Québec à le faire et que la mouture finale du règlement saura surement inspirer d’autres arrondissements de Montréal et municipalités au Québec. Bien ficelé ce type de règlement peut sûrement devenir un outil favorisant le développement du logement social et abordable sans but lucratif. Il est donc important qu’il devienne le meilleur qui soit pour répondre à cet objectif.

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L’avis qui est envoyé à l’arrondissement Ville-Marie:

Richard Ryan

Consultant en habitation abordable

Le 25 mars 2025

Proposition de règlement de zonage différencié par l’arrondissement Ville-Marie

L’Arrondissement de Ville-Marie – Ville de Montréal a pris ce soir les devants en conseil d’arrondissement, en instaurant un règlement de zonage différencié, un nouveau pouvoir octroyé par le gouvernement québécois aux municipalités.

À ma connaissance c’est la première instance municipale au Québec à mettre en marche ce nouveau pouvoir. Ce règlement permettra d’instaurer un zonage spécifique pour une plus grande densification aux porteurs de projets de logements sociaux et abordables.

C’est une innovation importante qui devrait également permettre une réduction des coûts de construction et de favoriser ce segment de l’habitation !

Maintenant analysons-le!

Bonne lecture !

Richard Ryan

Consultant en habitation abordable

11 mars 2025

L’objectif d’atteindre 20% de logements hors marché privé au Québec, est-il réaliste?

Le rôle des sociétés à but non lucratif et du milieu municipal.

Article paru dans la revue « l’Aménagiste », journal de l’Association des aménagistes régionaux du Québec (AARQ), en janvier 2025.

Richard Ryan est consultant en habitation abordable depuis 2 ans. Élu municipal à Montréal de 2009 à 2021, il se consacre en accompagnement de projets, du milieu municipal et de leurs partenaires, sur les enjeux de logements abordables ou par l’animation d’ateliers. 

Colorful row houses in Washington, DC.

Avant de répondre à la question-titre de cet article, revenons d’abord aux notions d’abordabilité.

Quand il s’agit d’abordabilité en logement au Canada, la notion de l’offre disponible (taux d’inoccupation des logements) n’est jamais très loin, elle est même intrinsèque selon plusieurs analystes économiques, dont ceux de la Société canadienne d’hypothèque et de logement (SCHL).

Les analystes avancent souvent qu’il nous faudrait un minimum de 3% de logements inoccupés dans une région donnée, pour atteindre un seuil d’abordabilité. Et pour y arriver, il nous faudrait construire beaucoup, beaucoup et beaucoup de nouveaux logements. Au fait, beaucoup plus que la capacité ou la motivation du milieu de l’immobilier à les construire. 

On parle d’un rythme soutenu de plus de 140k nouvelles unités par année pour le Québec. Alors que nous avons au cours des 60 dernières années, dépassé une seule fois le chiffre record de 70k, c’était à la fin des années 80. On peut penser à l’incapacité du milieu de la construction (pénurie de main d’œuvre, coût de la construction, baisse de profits, hausse des taux, etc.) à pouvoir réellement augmenter la cadence, mais également à l’incapacité des ménages à se payer de manière abordable, les nouveaux logements (locataires comme propriétaires). De là une potentielle réponse au fait que le marché de la construction privé de nouvelles unités, ne peut répondre à lui seul à la demande. Et cela malgré que cette demande est en hausse dans l’ensemble des régions du Québec, les taux d’inoccupation étant faméliques. Dans ce cas, la demande n’amène pas forcément plus d’offres.

La théorie du ruissellement semble être essoufflée. Cette théorie qui prétend que construire des logements chers pour les plus nantis, finira par libérer des logements pour les ménages à revenus plus modestes. Malgré différentes aides et programmes, il serait étonnant que nous pourrions doubler la cadence en mises en chantier par cette logique. 

Plutôt que de regarder la solution à partir du haut de la pyramide des revenus des ménages, si nous la regardions à partir du bas? C’est-à-dire, à partir des ménages dont les revenus se trouvent dans le premier quintile, voire également dans le deuxième quintile le plus bas. 

Cet objectif de maintenir une mixité sociale dans un milieu, apporte un dynamisme sur un territoire, une meilleure capacité à garder des travailleurs de tous les échelons à proximité de leurs lieux de travail, à lutter contre la pauvreté et l’itinérance, bref de se donner un milieu de vie sain et riche et qui permet aux ménages de dépenser davantage dans l’économie locale et de répondre à leurs besoins alimentaires, de santé mentale et santé physique.

Pour répondre à ce niveau d’abordabilité pérenne, il nous faudra beaucoup d’imagination, d’audace et de collaboration de part et d’autre. Il nous faudra également mieux définir l’abordabilité. Le flou laissé dans les modifications législatives récentes qui donnent de nouveaux pouvoirs en habitation au milieu municipal, laisse place pour que localement la définition de l’abordabilité soit spécifiée. 

Les analyses économiques démontrent que les coûts en logements pour les ménages augmentent plus vite que leurs revenus. C’est particulièrement vrai lorsque les revenus sont comparés aux dépenses liées aux logements disponibles et non sur l’ensemble des logements. Les programmes, les mesures gouvernementales ou même les interventions municipales concernant l’abordabilité en logement, sont souvent mesurées à partir des coûts médians en logement d’une région donnée. Certains visant 90%, 100% ou même 110% des loyers médians, c’est le cas notamment avec le nouveau programme de construction de coopératives du gouvernement fédéral. Ce qui nous éloigne de la possibilité d’offrir une abordabilité réelle aux ménages moins nantis et ceux aux revenus modestes. 

L’autre aspect à examiner dans la définition de l’abordabilité, est celui de la durée à laquelle l’abordabilité est préservée. On a ouvert ces dernières années, aux promoteurs privés, la possibilité d’avoir droit à des mesures ou programmes de subventions en échange de préserver l’abordabilité sur un certain nombre d’années, qui par la suite ces logements suivront le cours du marché. Pour préserver une abordabilité et un contrôle des prix du logement dans le temps, seules les organisations sans but lucratif (coop/OBNL) peuvent y arriver, car ces logements hors marché privés sont à l’abri de la spéculation et la mission de ces organisations n’est pas celle de profit, mais bien de loger convenablement les ménages occupant leur parc immobilier. Ce sont ces éléments qui devraient se retrouver dans une définition de l’abordabilité en amont de nouvelles politiques municipales ou régionales, concernant les enjeux de l’habitation.

Même quand les logements acquis ou construits par ces organisations obligent des loyers chers au départ, les augmentations qui seront moindre que ceux du marché privé, va favoriser dans le temps, un contexte d’une réelle abordabilité.

De là, la nécessité d’augmenter cette part du marché à 20%, comme le souhaite plusieurs acteurs de l’économie sociale en habitation. Un objectif audacieux qui est plus du double de ce que nous avons actuellement au Québec. Pour y arriver il faut construire davantage de logements sociaux et autres catégories de logements hors marché privé, mais également soutenir des acquisitions réalisées par ces organisations des mains de propriétaires privés. 

Le développement de l’Alliance des corporations d’habitation abordable du territoire du Québec (ACHAT), vise justement à regrouper les organisations qui se dote d’une mission de développer un parc immobilier à l’abri de la spéculation immobilière. Ce développement peut se faire sur deux axes différents: soit dans la construction de nouvelles unités (via des programmes de subvention à la pierre) ou encore par des acquisitions des mains de propriétaires privés de bâtiments existants (avec ou sans programme structurant de subvention).

Outre l’ensemble des acteurs du milieu de l’habitation communautaire et autres organisations sans but lucratif, des villes se dotent maintenant de cet objectif d’atteindre ce seuil de 20% de la part du marché du logement à l’abri de la spéculation. C’est le cas de Montréal et de Longueuil, mais également plusieurs autres acteurs du monde municipal s’apprêtent à aller dans ce sens.

Bien sûr, cet objectif de changement d’échelle ne pourra se faire sans l’aide de programmes structurants des paliers supérieurs, mais une partie de la balle se trouve également dorénavant dans le monde municipal. Pour ce dernier, orienter un panier de mesures favorisant le développement d’un parc immobilier sans but lucratif, découlant des dernières modifications législatives, est peut-être là une première pierre à poser dans la construction d’une abordabilité pérenne. 

Crane and building construction site against blue sky

Les modifications législatives adoptées ces deux dernières années (PL16, PL31, PL39, PL57), pourraient être une bonne occasion de se doter d’outils localement afin de répondre à la crise d’aujourd’hui et de se prémunir de celles de demain. 

Analyser ces nouveaux pouvoirs avec une lorgnette favorisant les promoteurs sans but lucratif, est un engagement qui peut paraître audacieux de la part du monde municipal, mais également un excellent moyen pour répondre aux ménages de leur territoire ayant le plus de besoins en matière de logement.

Bien que ces entreprises d’économie sociale, sont présentes sur le territoire québécois depuis quelques décennies et ayant développé (coopératives, logements publics et logements communautaires) un parc respectable de logements, plusieurs d’entre elles et de nouvelles souhaitent davantage faire partie de la solution en développant par de l’acquisition ou par de la construction leur portefeuille immobilier. 

À titre d’exemple des organisations comme SOLIDES (Société locative d’investissement et de développement social), Interloge, Corporation Mainbourg, Shapem (Société d’habitation populaire de l’Est de Montréal), ou encore de nouvelles organisations innovantes comme CMétis de la région du Bas-St-Laurent, Village Urbain qui construit un projet de cohabitat dans l’arrondissement de Lachine, la coop de l’Est à Sherbrooke qui ne cesse de croître, la Coopérative La visionnaire et bien d’autres, font partie de cette solution. D’autres organisations se mettent en place dans des régions où il n’y avait pas de porteur d’une telle vision, afin de fonder une organisation à partir de dynamiques locales, de concertation, d’une MRC ou d’offices d’habitation. Le but étant la plupart du temps, de se doter d’un outil de développement en logements sans but lucratif.

Plusieurs de ces acteurs ont développé un parc de quelques centaines d’unités et même dépassant le millier. À titre d’exemple, les projets d’UTILE (Unité de travail pour l’implantation du logement étudiant) aux quatre coins de la province, vont dépasser à terme un parc de plus de 2000 logements.

Pour les plus anciennes organisations, bien que les plus vieux immeubles de leur parc nécessitent souvent des rénovations importantes, l’augmentation des valeurs de leurs immeubles, peut souvent dégager une équité en valeur qui permet de faire de nouvelles acquisitions. C’est le cas par exemple ces dernières années, d’Interloges ayant acquis le Manoir Lafontaine (90 unités de logement), de la Corporation Mainbourg en acquérant le domaine de La Rousselière à Pointe-aux-Trembles (720 unités) ainsi que SOLIDES en acquérant un parc immobilier à Drummondville de 363 logements faisant passer son patrimoine à plus de 1000 logements. Si ces organisations développent un parc de nouveaux logements par de la construction via des programmes structurants de subvention, le développement de leur parc par de l’acquisition d’immeubles existants est aussi très présent. 

Pour atteindre 20% de logements sans but lucratif, ces deux moyens doivent faire partie de la solution. L’acquisition de l’existant est une façon de protéger une abordabilité encore présente dans le marché privé et qui est fragilisé dans un contexte de pression immobilière.

Mais pour y arriver, ces acteurs ne pourront se fier uniquement que sur les moyens traditionnels de financement et de programmes de subventions. Les maillages financiers nécessaires sont de plus en plus complexes et nécessitent une dose d’audace et de créativité pour y arriver. Les nouveaux pouvoirs attribués au milieu municipal (y compris aux MRC) ces dernières années, peuvent être l’occasion de favoriser cette part du marché de l’habitation afin de répondre à une abordabilité à préserver dans le temps. 

Que ce soit les droits de préemption sur des propriétés qui seraient orientées vers ce segment de l’habitation ou l’utilisation de pouvoirs tels que le zonage incitatif, mais encore mieux le zonage différencié qui peut être réservé à ce segment. Les programmes locaux, les fonds dédiés, les cessions de terrains, sont autant de moyens pour soutenir ces organisations, mais encore faut-il avoir les moyens. Pour les plus petits milieux, ruraux ou semi-urbains, il faudra sûrement être créatifs et penser à se regrouper, à l’échelle d’une MRC, afin de se doter d’outils qui soient plus efficaces, tout en tenant compte des réalités locales.

9 décembre 2024

Richard Ryan, consultant en habitation abordable

info@richardryan.ca

Rapport 2024 de la SCHL* sur le marché locatif : plus d’offre et moins d’abordabilité

3 constats dans ce rapport:

Plus de logements ont été livrés au canada au cours des 12 derniers mois;

Un taux global d’inoccupation des logements qui était famélique les deux dernières années passe de 1,5% à 2,2% (Faut-il rappelé que selon la SCHL un taux se rapprochant du point d’équilibre de 3%, nous rapproche également de l’abordabilité.);

L’abordabilité du marché privé n’est pas au rendez-vous.

C’est tout frais, la SCHL vient de publier son rapport sur le marché locatif. Il y a là des données intéressantes pour tous ceux et toutes celles, préoccupé-e-s par la crise du logement. Une crise de l’offre qui nous amène une crise de l’abordabilité nous disent la plupart des économistes et les acteurs du marché de l’immobilier. Et si nous faisions fausse route et que nous devions prendre la situation par un autre angle ? C’est à dire, traiter d’abord d’une abordabilité pérenne dans l’offre ?

3 constats dans ce rapport:

  • Plus de logements ont été livrés au Canada au cours des 12 derniers mois;
  • Un taux global d’inoccupation des logements qui était famélique les deux dernières années, passe de 1,5% à 2,2% (Faut-il rappelé que selon la SCHL un taux se rapprochant du point d’équilibre de 3%, nous rapproche également de l’abordabilité);
  • L’abordabilité dans le marché privé n’est pas au rendez-vous.


Le taux d’inoccupation a augmenté (1,5% à 2,2% au Canada) grâce à une plus grande livraison de logements. Ce qui normalement devrait avoir eu un impact sur l’abordabilité des logements. La région ayant eu la plus forte livraison au Canada, est la région de Montréal, mais le rapport nous dit que les nouveaux logements sont chers et prennent plus de temps avant de trouver preneurs.

On apprend aussi que les loyers ont augmenté en moyenne de 5,7% (entre 2023 et 2024). Mais ce qu’il nous faut retenir à mon avis, c’est que les logements ayant changé de locataires ont augmenté eux de 23,5%. (4 fois plus que la moyenne). Wow! Si la moyenne de hausse de 5,7% est beaucoup plus que la hausse de l’inflation que penser de cette hausse de 23,5% ?

Cette comparaison entre un logement qui est maintenu par un même locataire, d’avec celui dont il y a un roulement, devrait attirer toute l’attention. Le nouveau ménage qui se cherche un logement, un ménage qui s’agrandit et qui doit déménager pour avoir un logement plus grand, des travailleurs se trouvant un emploi dans une autre région, un couple qui se sépare, ce n’est là que quelques exemples pour qui la réelle augmentation qui est importante à examiner n’est pas celle de la moyenne de 5,7% (4,7% pour la région de Montréal), mais bien la hausse des logements libres qu’on retrouve sur Kijiji, sur Market place ou qu’on aperçoit par une affiche à une fenêtre, soit une hausse réelle de 23,5% (18,7% pour la région de Montréal) de plus que l’an dernier.

Il y a eu une augmentation de logements sortis de terre depuis l’an dernier et c’est la région de Montréal qui gagne la palme d’or avec le plus d’unités livrés depuis 2023. Mais si le taux d’inoccupation a monté pour ce rapprocher globalement du taux d’équilibre de 3%, c’est beaucoup pour les logements neufs qui prennent du temps à trouver preneurs et ce taux reste famélique pour les logements existants plus abordables disponibles sur le marché. « Les logements (neufs) étaient destinés aux ménages à revenus élevés », nous dit la SCHL dans son rapport.

Une réflexion toute personnelle:

Il faut reconnaître que la SCHL a fait un bon coup en intégrant depuis quelques années, une différenciation entre la hausse moyenne des loyers et celle des logements ayant eu un roulement de locataires. Cette donnée nous donne l’heure juste sur ce que vivent réellement, les nouveaux ménages, les ménages locataires qui désirent changer de logement et ceux qui sont menacés d’éviction.

Un premier constat en examinant ce rapport, serait peut-être de remettre en question ou du moins de nuancer, la prétendue règle de l’offre et la demande qui stipule qu’en approchant un taux équilibré d’inoccupation de 3%, nous arriverions à une abordabilité.

Le concept de filtrage (ou de ruissellement) dont nous parle la SCHL, prétend que plus l’offre de logements (neufs) augmente, même si elle est pour les mieux nantis, devrait permettre une libération d’autres logements pour les ménages moins nantis. C’est difficile d’adhérer à ce concept de filtrage, puisqu’avec une augmentation moyenne de 23,5% des loyers des logements libres existants, les ménages locataires occupant un logement a eu tendance et continueront vraisemblablement à garder leur logement. Et cela en dépit de nouveaux besoins ou de nouvelles situations qui dicteraient en temps normal une nécessité de changer d’habitat.

Dans cette situation, malgré une demande forte en nouveaux logements jumelée à une difficulté pour une majorité des ménages de se payer ces nouveaux logements, il serait surprenant que les prix des loyers se limitent aux prix de l’inflation. Même si cela arrivait, est-ce que ce prix des logements disponibles respecterait réellement la capacité de payer des ménages qui en auraient besoin ? Il est aussi à parier, pour ne pas décourager les promoteurs privés dans leur développement de futures mises en chantier que des mesures gouvernementales seront poursuivies. Et ces nouveaux logements tout comme les existants qui se libèrent, continueront de suivre les prix du marché les rendant inaccessibles pour une très grande partie des ménages.

Pour répondre aux besoins des ménages à faibles et moyens revenus, il nous faut davantage de logements hors marché privé, dont les prix sont contrôlés. Il nous faut davantage investir dans ce type de développement pour réellement créer sur du moyen et long terme, une réelle abordabilité. Investir oui dans la construction de logements sociaux et abordables (hors marché privé), mais il nous faut regarder également du côté des acquisitions dans le parc existant de multi-logement du secteur privé par des organisations sans but lucratif.

Les gouvernements provincial et fédéral ont été frileux jusqu’à présent à mettre en place des outils et programmes pouvant soutenir la sortie du marché privé d’une partie du parc locatif. Pourtant bien que ces immeubles nécessiteraient possiblement aussi un support à la rénovation, il en viendrait beaucoup moins cher à l’état en subvention par unité de supporter cette stratégie.

Ici, il n’est pas question de tout socialiser l’habitation, mais un objectif d’atteindre 20% du parc de logements qui soit hors marché privé, comme le réclament plusieurs acteurs de l’habitation, serait un premier pas pour répondre aux réels besoins des ménages ne pouvant s’offrir le marché privé.

Il ne reste qu’à établir de meilleurs outils pour y arriver!

*Société canadienne d’hypothèque et de logement

Richard Ryan

Consultant en habitation abordable

richardryan.ca

18 décembre 2024

Crise du logement: le monde municipal à la croisée des chemins

On le sait maintenant, nous sommes non seulement en crise du logement, mais les pronostics pour s’en sortir à court terme ne sont pas très roses.

Bien connue déjà il y a quelques années par les moins nantis et dans certains territoires, cette situation de crise de l’offre et de l’abordabilité s’est généralisée au Québec. Il est reconnu qu’un seuil de logements disponibles dans une région qui tombe sous la barre de 3%, met à mal son abordabilité. Une situation qui semble perdurer dans la plupart des régions du Québec, pire encore, plusieurs villes ont vu leur taux d’inoccupation descendre sous la barre du 1%.

Dans une telle situation, il est normal de voir plusieurs acteurs s’écrier que nous devrons tous travailler ensemble pour atténuer les effets de la crise. Si une des solutions est de mettre des jalons pour accélérer la construction de nouveaux logements, la question qu’on doit se poser pourrait être: mais pour construire quoi? Et pour qui?

La crise atteint maintenant la classe moyenne, ce qui, dans le passé, était une situation qui touchait surtout les ménages à plus faibles revenus. Les conséquences peuvent être nombreuses: insalubrité, logement trop petit, éloignement de son milieu de vie, inabordabilité (considérée quand plus de 30% du revenu du ménage est consacré aux dépenses en logement).

Si le monde municipal a toujours joué un certain rôle en matière d’habitation, (salubrité, terrains, émission de permis, zonage) nous avons vu apparaître, avec cette crise, plusieurs acteurs municipaux qui se demandent comment en faire davantage pour préserver ou créer des milieux de vie intéressants, dynamiques et surtout abordables pour leurs concitoyens et concitoyennes. 

Le premier constat que je fais dans l’accompagnement des municipalités et des villes, concerne les ressources insuffisantes pour pallier aux besoins en habitation. Les décideurs municipaux voudrait en faire plus et deviennent souvent  impatients à force d’attendre l’argent des paliers supérieurs qui ont sous-financé ce secteur depuis plusieurs années. Malheureusement, les ressources et le cadre légal municipal ne permettent que partiellement une implication accrue de leur part. Mais néanmoins…

C’est avec ce constat que certaines villes ont commencées à examiner les outils qu’elles peuvent mettre de l’avant pour soutenir davantage le développement de logements abordables. Avec la pandémie, l’accroissement de la crise et l’arrivée de nouveaux élu-e-s en 2021, ce mouvement semble s’être accéléré. 

Plusieurs de ces villes choisissent de développer quelques outils pour tenter de contribuer davantage. Certaines villes choisissent même de diriger leurs actions, leurs ressources ou leurs réglementations en priorisant l’habitation sans but lucratif détenus par les OSBL et les coop d’habitation ou les offices municipaux d’habitation (logement public). 

Ce choix est audacieux, car d’une part, ces élu-e-s prennent partie pour des logements publics et communautaires qui desservent les ménages subissant ou à risque de subir les affres de cette crise. Ce choix permet également d’intervenir non seulement sur la crise présente, mais également sur celles du futur, puisque ces logements hors marché privé et protégés de la spéculation immobilière pourront rester abordables de manière pérenne.

On voit aussi poindre ici et là des politiques, réglementations ou actions qui ne sont pas limitées au secteur sans but lucratif, dans les grandes villes comme dans les plus petites municipalités. À l’instar des paliers supérieurs qui ouvrent les ressources en habitation abordable aux promoteurs privés, certaines villes développent également des outils pour du logement abordable ouverts au privé. Les exigences des gouvernements dans le cadre de ces programmes, comme celles de ces villes qui vont dans le même sens, sont que le prix du logement fourni soit au prix médian de la région ou avec une réduction allant de 10% à 20% pour une période fermée dans le temps et souvent sans réel contrôle.

Le prix médian étant déjà hors de portée, non seulement pour les ménages à revenus modestes mais aussi pour une bonne partie de la classe moyenne, une réduction de 10 ou 20% sur les loyers excluent toujours un grand pan des ménages pour se loger de manière abordable. Pire encore, la limite dans le temps pour l’engagement du promoteur, fait retourner à terme ces logements dans une spirale spéculative déjà bien connue.

Cette idée préconçue de l’abordabilité à tout vent évite un travail de fond que devrait peut-être faire le monde municipal avant de mettre en place ces bars ouverts. Une solution que d’autres villes tentent de mettre en place est de prioriser et même de réserver ce soutien à l’habitation abordable aux développeurs et acquéreurs sans but lucratif (OBNL/COOP/Office d’habitation). Non seulement ces dernières agissent sur la crise présente, mais elles s’assurent que l’argent public serve à l’intérêt collectif à long terme, puisque ces logements ne retourneront pas dans une spirale spéculative.

Que ce soit dans le développement de nouveaux logements sociaux/abordables ou dans l’acquisition dans le marché privé pour les mettre à l’abri de la spéculation, le secteur des organisations sans but lucratif en habitation peut jouer un rôle important dans la résolution de la crise, en autant qu’ils aient l’attention des décideurs gouvernementaux mais également du milieu municipal.

Plusieurs attendent de pied ferme le plan d’action en habitation de la ministre France-Élaine Duranceau qui doit être présenté à la fin du mois. Cela pourrait être une très bonne occasion de réserver les ressources, sommes toutes limitées, aux développeurs sans but lucratif plutôt que de l’ouvrir également secteur privé. Le gouvernement Legault pourrait, par la même occasion, offrir au milieu municipal davantage de pouvoirs lui permettant de prioriser les organisations sans but lucratif en matière de décisions pour favoriser le développement de l’habitation abordable.

Richard Ryan

Consultant en habitation abordable

Le 10 novembre 2023

Crise du logement: quelles solutions pour la ministre Duranceau et les municipalités?

Crise du logement: quelles solutions pour la ministre Duranceau et les municipalités?

Le projet de Biotope City veut réunir la ville et la nature

Crédit photo: Radio-canada/Biotope city

L’actualité est toujours aussi foisonnante en matière de crise du logement. Les regards semblent maintenant être tournés vers la ministre Duranceau, responsable du dossier au Québec, dont nous attendons un plan d’action pour régler ou du moins soulager cette crise. Mais quelles solutions devrait-elle mettre de l’avant? Et surtout, avec quels moyens?

Une délégation québécoise est présentement à Vienne, en particulier des acteurs de l’économie sociale, afin d’examiner de plus près “le modèle viennois”. En espérant que cette délégation pourra porter à leur retour, le contenu de ce qu’ils auront appris aux décideurs politiques québécois.

Vienne, avec 62% de l’habitation hors marché privé, a réussi à maintenir une abordabilité en dehors des affres de la spéculation immobilière présente dans le marché privé et cela avec des logements de qualités et pour différentes couches sociales de la société.

Près des deux tiers de l’immobilier viennois est donc soit public (appartenant à la Ville) ou soit sans but lucratif, appartenant à des OBNL ou des coops. Ce qui permet à la capitale autrichienne d’éviter les crises du logement, car cette partie importante du parc immobilier est protégé de la spéculation immobilière et a un impact sur la régulation des prix de la partie détenue par le privé. De plus, le développement de nouveaux logements sans but lucratif est assuré par de nouveaux emprunts hypothécaires que ce parc peut se permettre chaque année, ainsi que par de nouvelles sommes que l’État injecte à cette fin.

Notre maigre 5% du parc immobilier québécois à l’abri de la spéculation (logement public ou communautaire) fait piètre figure à côté de celui de Vienne. C’est une raison principale qui nous place en situation fragile en matière d’habitation au Québec comme au Canada.

Bien sûr, Vienne ne s’est pas construite en un jour. C’est par sa ténacité et sa volonté continuelle de construire et de garder hors du marché privé durant près d’un siècle que cette ville européenne a réussi à maintenir et à développer une abordabilité pour une vaste partie de sa population.

Si nous nous dotions d’un objectif (même moins ambitieux que celui de Vienne) à moyen terme de 20% de logements hors marché privé, comme le stipulait récemment Marie-Josée Houle (défenseure fédérale en logement), dans un récent article du Devoir[1], on pourrait régler le sort de cette crise pour les plus vulnérables de façon durable. Ce qui aurait un impact positif pour l’ensemble des autres ménages. Pour ce faire, il faudrait concentrer nos efforts publics vers les logements sans but lucratif pour les protéger de la spéculation, plutôt que de s’éparpiller avec des mesures touchant l’ensemble du secteur de l’immobilier.

D’une part, par la construction de nouveaux logements sociaux et communautaires, mais également par l’acquisition par des sociétés immobilières sans but lucratif ou des coopératives de milliers de logements abordables du marché privé afin de les mettre à l’abri de la spéculation. Des mesures gouvernementales et municipales d’encouragement devraient être priorisées par les décideurs afin que ce secteur de l’économie sociale se développe davantage qu’il ne le fait actuellement.

Les efforts publics passés pour soutenir le marché privé dans la construction (notamment par les politiques de la SCHL) n’ont pas eu de résultats sur une abordabilité à long terme. Continuer dans cette voie serait une erreur.

Non seulement les efforts financiers des gouvernements devraient être dirigés vers de l’habitation abordable hors marché, mais également les efforts des villes et municipalités, dont les outils réglementaires qu’elles mettent en place, devraient s’adresser en priorité à l’habitation protégée de toute spéculation éventuelle. Crédit de taxe, stratégie foncière, programmes de subventions, allègement des règles et j’en passe. Ce type d’intervention pourrait être la pierre angulaire d’une vision de développement de l’habitation durablement abordable pour intervenir sur la crise d’aujourd’hui, mais aussi sur celle de demain.

Richard Ryan, consultant en habitation abordable

12 octobre 2023


[1] https://www.ledevoir.com/opinion/idees/797545/habitation-il-existe-cle-tirer-trait-crise-logement

Les carottes sont-elles cuites pour AirBnB avec l’entrée en vigueur de la nouvelle loi ? Entrevue avec Emmanuelle Latraverse à TVA.

Ce 1er septembre, c’est la date d’entrée en vigueur pour les plateformes d’hébergement touristique afin de faire respecter la nouvelle loi (une énieme depuis 2016) qui tente cette fois de resserrer la vis aux plateformes et des hôtes qui placent des annonces illégales sur les sites.

100 000$ par annonce illégale en amende aux plateformes, est-ce que ce sera assez? Ce n’est pas tant là la question, mais plutôt dans l’application de la loi dont la responsabilité incombe à Revenu Québec depuis 2018 à faire respecter la loi d’hébergement touristique.

Espérons que le passé ne soit pas garant de l’avenir cette fois, puisque le ministre du Revenu Éric Girard, n’a pas cru bon depuis 5 ans de donner les outils et les ressources à Revenu Québec pour que ses enquêteurs puissent intervenir convenablement dans ce secteur.

Voici l’entrevue que j’ai donné à Emmanuelle Latraverse à TVA.