La crise du logement et le (re)nouveau gouvernement minoritaire

Regard très à chaud sur les résultats des élections d’hier, où le Québec à joué un rôle important dans le maintient d’un gouvernement libéral minoritaire au Canada. D’abord parce qu’il a donné une dizaine de députés de plus aux libéraux, alors que les sondages indiquaient que ce serait l’Ontario qui assurerait un gouvernement libéral (ils ont perdu 9 sièges dans cette province). Puis malgré la perte de 10 députés (32 à 22) chez les bloquistes au Québec, sans leur existence, plusieurs de ces circonscriptions seraient possiblement passées aux mains des conservateurs, sans compter que ces derniers auraient possiblement ravi quelques unes des luttes à trois d’hier gagnées par les libéraux, si le bloc n’avait pas été sur le bulletin de vote.

Mais là s’arrête la politico-fiction. Le NPD qui nous paraît anéanti ce matin avec seulement 7 sièges, détiendra néanmoins un certain pouvoir de négociation avec le gouvernement Carney, puisqu’il n’en faudra pas plus pour le nouveau gouvernement minoritaire pour se maintenir au pouvoir.

L’heure est aux solutions en habitation et pas n’importe quelles!

Tous et toutes espèrent un leadership fort du nouveau gouvernement libéral face aux politiques de Donald Trump, mais il est hasardeux de prédire comment tout cela va évoluer, non pas parce que nous avons élu un gouvernement minoritaire, mais bien parce que le chef au sud de la frontière est imprévisible.

Mais concernant le dossier du logement, il est possible d’améliorer nos outils pour être moins imprévisible. Le nouveau gouvernement, avec une prise de position plus claire du NPD et espérons-le aussi du Bloc Québécois, pourrait amener des pistes audacieuses et concrètes dans les solutions à la crise du logement et surtout à celle d’une abordabilité durable dans le temps.

Il nous faut investir et assouplir les programmes et les mesures nous venant du fédéral, afin qu’ils deviennent de vrais leviers pour le développement du logement sans but lucratif à l’abri de la spéculation immobilière. Bien que le gouvernement libéral ait investi ces dernières années, plusieurs acteurs qui développent l’habitation sociale et abordable remarquent qu’il est souvent complexe d’intégrer dans les montages financiers de projets, des programmes venant de la Société canadienne d’hypothèque et de logement (SCHL). Évidemment, à cause des champs de compétence qui obligent des ententes fédérales-provinciales longues à négocier, mais pas que…

Les balises et conditions d’abordabilité qui non seulement ne sont pas les mêmes que celles des programmes provinciaux émanant de la Société d’habitation du Québec (SHQ), mais sont en plus différentes entre elles au sein même de la SCHL. Prenons par exemple les conditions pour un projet pour se qualifier à des subventions venant du Fonds de logement abordable de la SCHL (FLA) et l’obtention de la garantie hypothécaire du programme APH-Select (qui peut être très avantageux, puisqu’il peut permettre une diminution du taux hypothécaire en plus de garantir jusqu’à 50 ans l’hypothèque). Ce type de programme devrait être encouragé, bonifié pour les acteurs sans but lucratif, et surtout assoupli pour ces derniers afin qu’ils puissent développer ce pan de l’habitation encore trop marginal au Canada.

Le premier ministre semble avoir adopté le discours ambiant (dont celui des conservateurs) qu’il nous faut construire, construire, construire… pour régler la crise du logement. Maintenant que les élections sont dernière nous, il faudra raffiner ce discours, construire quoi? construire pour qui? et surtout construire pour régler quelle crise? Celle d’aujourd’hui? Celles de demain?

Raffiner les mesures en priorisant le développement du logement à l’abri de la spéculation permet de travailler sur la crise de l’offre et celle de l’abordabilité dans le temps. Plus d’arrimage avec les programmes provinciaux, des mesures mieux dirigées vers le développement du secteur de logements sans but lucratif, et assouplir l’ensemble de ces mesures pour les acteurs qui tentent tant bien que mal de le développer.

Il serait aussi important de mieux protéger l’abordabilité toujours existante dans le marché privé, par l’encouragement d’acquisition de dizaines de milliers d’unités par des organisations sans but lucratif, qu’elles soient constituées en coopératives, en OBNL, en fiducie d’utilité sociale et ayant la vocation de maintenir dans le temps, l’abordabilité de leur parc immobilier.

La sortie d’immeubles du marché privé pour les mettre à l’abri de la spéculation n’ajoute sûrement pas de nouvelles unités à l’offre, mais assure qu’on augmente le parc de logements qui constituera l’abordabilité d’aujourd’hui et celle de demain. Le niveau de ressources nécessaires en subvention et autres pour sortir du marché des immeubles existants étant beaucoup moindre que la construction de nouvelles unités, devrait amener tout gouvernement qui veut réellement travailler sur des solutions à cette crise, à considérer cette avenue complémentaire aux solutions. Cette position ne devrait pas être considérée comme une voie de garage comme elle semble l’être aujourd’hui, mais bien d’un réel champ d’intervention qui détiendrait des leviers en programmes et en prêt à très long terme permettant aux acteurs sans but lucratif de bien jouer leur rôle.

Richard Ryan

Consultant en habitation abordable

29 avril 2025

Crise du logement: quelles solutions pour la ministre Duranceau et les municipalités?

Crise du logement: quelles solutions pour la ministre Duranceau et les municipalités?

Le projet de Biotope City veut réunir la ville et la nature

Crédit photo: Radio-canada/Biotope city

L’actualité est toujours aussi foisonnante en matière de crise du logement. Les regards semblent maintenant être tournés vers la ministre Duranceau, responsable du dossier au Québec, dont nous attendons un plan d’action pour régler ou du moins soulager cette crise. Mais quelles solutions devrait-elle mettre de l’avant? Et surtout, avec quels moyens?

Une délégation québécoise est présentement à Vienne, en particulier des acteurs de l’économie sociale, afin d’examiner de plus près “le modèle viennois”. En espérant que cette délégation pourra porter à leur retour, le contenu de ce qu’ils auront appris aux décideurs politiques québécois.

Vienne, avec 62% de l’habitation hors marché privé, a réussi à maintenir une abordabilité en dehors des affres de la spéculation immobilière présente dans le marché privé et cela avec des logements de qualités et pour différentes couches sociales de la société.

Près des deux tiers de l’immobilier viennois est donc soit public (appartenant à la Ville) ou soit sans but lucratif, appartenant à des OBNL ou des coops. Ce qui permet à la capitale autrichienne d’éviter les crises du logement, car cette partie importante du parc immobilier est protégé de la spéculation immobilière et a un impact sur la régulation des prix de la partie détenue par le privé. De plus, le développement de nouveaux logements sans but lucratif est assuré par de nouveaux emprunts hypothécaires que ce parc peut se permettre chaque année, ainsi que par de nouvelles sommes que l’État injecte à cette fin.

Notre maigre 5% du parc immobilier québécois à l’abri de la spéculation (logement public ou communautaire) fait piètre figure à côté de celui de Vienne. C’est une raison principale qui nous place en situation fragile en matière d’habitation au Québec comme au Canada.

Bien sûr, Vienne ne s’est pas construite en un jour. C’est par sa ténacité et sa volonté continuelle de construire et de garder hors du marché privé durant près d’un siècle que cette ville européenne a réussi à maintenir et à développer une abordabilité pour une vaste partie de sa population.

Si nous nous dotions d’un objectif (même moins ambitieux que celui de Vienne) à moyen terme de 20% de logements hors marché privé, comme le stipulait récemment Marie-Josée Houle (défenseure fédérale en logement), dans un récent article du Devoir[1], on pourrait régler le sort de cette crise pour les plus vulnérables de façon durable. Ce qui aurait un impact positif pour l’ensemble des autres ménages. Pour ce faire, il faudrait concentrer nos efforts publics vers les logements sans but lucratif pour les protéger de la spéculation, plutôt que de s’éparpiller avec des mesures touchant l’ensemble du secteur de l’immobilier.

D’une part, par la construction de nouveaux logements sociaux et communautaires, mais également par l’acquisition par des sociétés immobilières sans but lucratif ou des coopératives de milliers de logements abordables du marché privé afin de les mettre à l’abri de la spéculation. Des mesures gouvernementales et municipales d’encouragement devraient être priorisées par les décideurs afin que ce secteur de l’économie sociale se développe davantage qu’il ne le fait actuellement.

Les efforts publics passés pour soutenir le marché privé dans la construction (notamment par les politiques de la SCHL) n’ont pas eu de résultats sur une abordabilité à long terme. Continuer dans cette voie serait une erreur.

Non seulement les efforts financiers des gouvernements devraient être dirigés vers de l’habitation abordable hors marché, mais également les efforts des villes et municipalités, dont les outils réglementaires qu’elles mettent en place, devraient s’adresser en priorité à l’habitation protégée de toute spéculation éventuelle. Crédit de taxe, stratégie foncière, programmes de subventions, allègement des règles et j’en passe. Ce type d’intervention pourrait être la pierre angulaire d’une vision de développement de l’habitation durablement abordable pour intervenir sur la crise d’aujourd’hui, mais aussi sur celle de demain.

Richard Ryan, consultant en habitation abordable

12 octobre 2023


[1] https://www.ledevoir.com/opinion/idees/797545/habitation-il-existe-cle-tirer-trait-crise-logement

Le logement coopératif une autre solution durable à la crise du logement.

Excellent reportage sur une solution à la crise du logement et de l’abordabilité à long terme: la coopérative.

Excellent reportage de Radio-Canada, il y a quelques jours, sur la solution des coopératives avec un passage sur les OBNL d’habitation. Des solution d’abordabilité pérenne.

https://ici.radio-canada.ca/tele/le-telejournal-18h/site/segments/reportage/451659/la-solution-des-cooperatives-habitation